Allan Kardec, inventeur du mot « spiritisme », le définit comme une doctrine fondée sur l'existence, les manifestations et l'enseignement des esprits. Les spirites croient en la possibilité de nouer et d’entretenir des relations avec les âmes des morts ;
Au sens large, le spiritisme désigne les phénomènes encore non expliqués se produisant le plus souvent par l’intermédiaire d’un agent appelé médium. Certains adeptes le considèrent comme une sorte de religion, d’autres le considèrent comme une science.
J-B.M-L définit simplement le spiritisme : dialogue avec une entité pensante et intelligente.
Depuis la nuit des temps, l’homme a tenté de rentrer en contact avec les esprits. Le « double fluidique » qui permet à l’esprit de se manifester n’est pas une hypothèse moderne, il a joué un rôle dans la plupart des religions. Les Védas considérés comme les textes les plus anciens de l’humanité évoquent les esprits qui ont pour Dieu YAMA. Dans l’Egypte ancienne, ka désigne l'énergie vitale et un double spirituel qui naît en même temps que l'humain et lui survit après la mort. Lucain dans « La Pharsade » explique que la chaste Phémonoé, pythonisse du Temple de Delphes, interrogée par le fils de Pompée « consent à se laisser pénétrer par le Dieu » (phénomène de médiumnité) et meurt lorsque le Dieu se retire d’elle.
L’origine du spiritisme sous sa forme moderne date de 1847. Les événements qui lui donnèrent naissance se déroulèrent à Hydesville dans l’état de New York, dans la demeure du pasteur Fox. Ses filles, dont la plus jeune était âgée de 12 ans, entendirent à plusieurs reprises des coups frappés. Après convention d’un alphabet, elles établirent les premières communications avec l’invisible. L’esprit se présenta comme étant l’âme d’un colporteur assassiné dans la maison où il se manifestait, et réclamait pour sa dépouille enterrée dans la cave une sépulture correcte. Après recherches, des corps furent effectivement découverts dans la cave de la famille Fox, ainsi qu’un sac de colporteur.
Ce qui n’était au départ qu’une « affaire de famille » donna naissance à des cercles «psychiques» qui se formèrent dans toute l’Amérique du Nord. En 1848, la famille Fox quitta Hydesville, encensée par les uns, critiquée par les autres pour s’installer à Rochester. La famille ouvrit alors un cabinet de voyance et prospéra grâce à des séances de médiumnité permettant à des êtres éplorés de rentrer (ou d’imaginer rentrer) en contact avec leurs chers disparus.
Les événements d’Hysdeville et ceux qui de toutes parts furent constatés à cette époque (1848-1850) a donné naissance à un mouvement explosif. Malgré les rétractations des sœurs Fox, et des séances contestables menées par des fraudeurs, une nouvelle religion était née. Elle franchit l’Atlantique, se propagea en Allemagne puis en France dès 1853. Le « spiritualisme » se répandit dans toute l’Europe sous l’appellation de « spiritisme », nom attribué par Allan Kardec.
En France, il convient de mentionner les expériences, dès 1853 de de Gasparin et de Rougemont, de Victorin Sardou, celles du savant anglais Williams Crookes, etc.
Victorien SARDOU (1831–1908), auteur dramatique, né à Paris, prend connaissance du phénomène spirite grâce à son ami GOUJON.
Après lui avoir parlé d’une expérience inouïe chez le consul des Etats-Unis en 1851, Goujon introduit V. Sardou dans les milieux spirites où il fait la connaissance d’Hippolyte Rivail (Allan Kardec).
Sardou, médium, raconte ses expériences dans la revue anglaise le « Grand magazine » en 1906. (Table tournante, apport de roses, piano jouant seul, etc.) Il est également connu pour avoir exécuté des eaux fortes médiumniques remarquables comme les "Demeures célestes" de Bernard Palissy et de Mozart sous l’influence de ces derniers.
Passionné par le phénomène, il contribue à répandre la notion de communication avec les esprits en faisant participer à ses séances l’Impératrice Eugénie.
En 1900, il préside le congrès spirite annuel.
Allan KARDEC (1803-1869) participe aux séances organisées par V. Sardou. Il note avec soin les phénomènes et les commentaires de Sardou et recueille d’autres témoignages auprès de différents médiums. La synthèse de toutes les informations recueillies, après un immense travail de synthèse fut publié dans son premier ouvrage « Le Livre des Esprits », en 1857. Des thèmes fondamentaux y sont abordés : Dieu, le sens de l’existence, la vie dans l’au-delà, la réincarnation, les lois qui s’en dégagent… L’existence de Dieu s’affirme dans son second livre « La genèse selon le spiritisme » auquel succèdera « Le livre des médiums ».
Allan Kardec de son vrai nom Hyppolite Rivail (Kardec étant le nom d’un druide dont il était la réincarnation) fut le premier a élaboré une véritable « doctrine spirite » en dehors de toute religion mais les unissant toutes par son message d’amour universel.
Il est considéré comme le fondateur du spiritisme en France ; sa tombe au cimetière du Père Lachaise est en permanence couverte de fleurs.
Parmi les successeurs d’Allan Kardec, figurent des expérimentateurs, des auteurs tels que Léon Denis, Gabriel Delanne
Léon DENIS (1846 – 1927) joua un rôle important dans la propagation du spiritisme.
Doté d’une rare intelligence, contraint de renoncer à ses études pour gagner sa vie, c’est un autodidacte qui deviendra membre actif de la franc-maçonnerie.
A 18 ans, il lit « Le Livre des Esprits » : c’est une révélation. Il rencontre Allan Kardec, et n’aura de cesse à ses côtés et après sa mort d’œuvrer pour propager le spiritisme aux côtés de Gabriel Delanne et Camille Flammarion. Considéré comme « l’apôtre du spiritisme », il donna de nombreuses conférences en Europe dans des congrès internationaux bien que sa vue commença à baisser partir de 1920. Il devait devenir complètement aveugle mais aurait été soutenu dans sa mission par des entités, Jérôme de Prague et « l'Esprit bleu ».
Il écrivit de nombreux ouvrages dont : Christianisme et Spiritisme, Après la mort, Dans l'invisible : spiritisme et médiumnité, La Grande Énigme, Le Génie Celtique et le Monde Invisible, Le Problème de l'Être et de la Destinée,…
Gabriel DELANNE (1857 – 1926), continuateur d’Allan Kardec, directeur du périodique « La revue scientifique et morale du spiritisme ». Privilégiant l’aspect scientifique, il écrit de nombreux ouvrages dont le plus connu « Le Phénomène spirite » qui relate l’histoire du spiritisme et recueille les témoignages de savants de tous pays, il comporte également de précieux conseils donnés au médium et expérimentateurs. Sur sa couverture figure l’affirmation de William Crookes « Je ne dis pas que cela est possible, je dis que cela est ». ainsi que l’affirmation de Victor Hugo « Eviter le phénomène spirite, lui faire banqueroute de l’attention auquel il a droit, c’est faire banqueroute à la vérité ».
Les écrits de G. Delanne sont consacrés principalement à la question de l'immortalité de l'âme et la réincarnation, parmi eux on peut citer « Recherches sur la médiumnité », 1898, « L’âme est immortelle », 1899, « le spiritisme devant la science ».
Pionnier cher aux adeptes du spiritisme, il est inhumé au cimetière du Père-Lachaise (44e division)
Camille FLAMMARION (1842 -1925) astronome français, découvre le spiritisme à travers « Le Livre des Esprits » d’Allan Kardec. Il entre en contact avec ce dernier, assiste à de nombreuses séances spirites au cours desquelles il fait la connaissance de Victor Hugo. Membre actif de plusieurs sociétés savantes, il s’est efforcé de porter à la connaissance du plus grand nombre les dernières découvertes scientifiques concernant l’astronomie, le climat,…
Issu d’une famille modeste dont le cadet Ernest fondera la librairie et les éditions Flammarion, Camille s’est passionné dès l’enfance pour l’astronomie. Devenu apprenti graveur dans un atelier parisien, il découvre la photographie et obtient son baccalauréat en suivant des cours du soir. Il entre en tant qu’élève astronome à l'Observatoire impérial de Paris. La découverte du spiritisme lui ouvre de nouveaux horizons mais lui vaut d’être congédié de l’observatoire par son directeur Urbain Le Verrier suite à la publication de son livre « La pluralité des mondes habités » qui fit scandale.
Après avoir été rédacteur de la revue Le Cosmos, où il mena campagne contre l’administration de Le Verrier, il devient en 1865 rédacteur scientifique du journal « Le siècle » et organise de nombreuses conférences pour faire connaître l’astronomie au grand public.
Le 2 avril 1869, il prononce l'éloge funèbre d'Allan Kardec et affirme : « le spiritisme est une science, pas une religion ».
Il fonde en 1883 l’observatoire de Juvisy-sur-Orge. En 1887, il crée la Société astronomique de France, dont il est le premier président et dont il dirige le bulletin mensuel jusqu'à sa mort, l'Astronomie.
Citons encore, seulement à titre d’exemples quelques hommes connus et dignes de foi parmi lesquels Victor Hugo, Colonel de Rochas Arago, le professeur Charles Richet, etc.
En 1928, l’esprit de Leverrier, astronome né à Saint-Lô, en 1811, mort en 1877, se manifeste et, en s’adressant à l’un des assistants par l'intermédiaire de M. Beau, il lui dit :
Ne regarde pas à tes pieds, mortel entêté qui doute sans avoir cherché ; mais élève les yeux vers la voûte des cieux, porte de l’Infini où tremblent des étoiles.
Ne sois pas le rêveur qui, égaré par un reflet de lune, croit voir la Vérité surgir d’un puits ; elle est là-haut, au dessus de ta tête, aux foyers de lumière où naissent les clartés.
Homme, contemple et tais-toi. Le livre est grand ouvert, tout bleu, aux caractères d’or et de feu. Si tu le lis bien, si tu l’étudies avec passion tu trouveras en lui ces mots, cette conviction : Ad majorem Dei Gloriam (Pour la plus grande gloire de Dieu). Ce livre est à la portée de ton cerveau qui doit le considérer non seulement comme le code sublime de lois éternelles mais, aussi, comme la preuve mathématique de l’ordre universel régi par le « Grand Tout ».
Et si tu doutes encore, demandes à Copernic, à Galilée, à Newton, à Flammarion, à Einstein, demandes leur le flambeau qui Deo Juvante (Dieu aidant) t’éclairera.
Pendant son exil à Jersey, Victor Hugo s’initia au spiritisme, sous l’insistance d’une de ses amies : Madame de Girardin. Lors de la première séance qui eut lieu en septembre 1853, l’esprit de sa fille Léopoldine Hugo, morte noyée 10 ans plus tôt se manifesta ;
De nombreuses autres séances suivirent presque quotidiennement et parfois plusieurs fois par jour. Victor Hugo, sa famille et quelques invités, pendant 2 ans et demi, dialoguèrent avec les fantômes familiers de la maison : la Dame blanche, la Dame noire et la Dame grise mais également avec des personnages célèbres tels que Chateaubriand, Dante, Racine, André Chénier, Lord Byron, Walter Scott, Galilée, Shakespeare, Molière. A ce dernier, il demanda :
Toi qui du vieux Shakespeare, a ramassé le ceste,
Toi qui, près d’Othello sculpta le sombre Alceste,
Astre qui resplendit sous un double horizon.
Poète au Louvre, archange au ciel, Ô grand Molière !
Ta visite splendide honore ma maison.
Me tendras-tu là-haut ta main hospitalière ?
Que la fosse pour moi s’ouvre dans le gazon,
Je vois sans peur la tombe aux ombres éternelles
Car je sais que le corps y trouve une prison
Mais que l’âme y trouve des ailes
Mais ce ne fut pas Molière qui lui répondit. L’esprit qui se chargea de donner la réplique au nom de l’immortel comique prit le nom d’ « Ombre du sépulcre » et malmena Hugo en ces termes :
O Toi qui veut savoir le secret des ténèbres,
Et qui tenant en main ton terrestre flambeau
Viens, furtif, à tâtons, dans nos ombres funèbres
Crocheter l’immense tombeau,
Rentre dans ton silence et souffle tes chandelles !
Rentre dans cette nuit dont quelquefois tu sors !
L’œil humain ne lit pas les choses éternelles
Par-dessus l’épaule des morts !
Le médium écrivain était Charles Hugo et ni lui, ni Vacquerie présent n’auraient pu improviser de telles choses. Quant à V. Hugo, il assistait mais ne prenait jamais place à la table des évocations ; d’ailleurs, il n’a jamais voulu que ces vers figurent dans ses œuvres : « Il va sans dire que jamais je n’ai mêlé à mes vers, un seul de ces vers venus du mystère, ni à une seule de mes idées, ces idées. Je les ai toujours religieusement laissés à l’inconnu qui en est l’unique auteur ». Souvent les esprits se présentaient comme des personnifications d’idées, de symboles : les idées du drame, de la mort, la poésie, etc.